'île AZ porte, elle, le nom de ses initiateurs. A pour Alstom Marine, et Z pour Zoppini, l'architecte qui donne vie, en développant son propre modèle, à Standard Island, l'île à hélices imaginée par Jules Verne en 1895. "On ne sait pas si c'est une île ou un paquebot", avoue Jean-Philippe Zoppini, qui dit être sur le point de lancer l'affaire, et espère baptiser la première île-paquebot lors de l'Exposition universelle de 2010, à Shanghaï. De forme ovoïde, 400 m de long sur 300 de large, l'île AZ "se déplace à 1,5 noeud, peut aller jusqu'à 10 noeuds, et résiste à des vagues de 30 mètres, la plus grosse amplitude enregistrée en un siècle", précise l'architecte.
En attendant l'île AZ, les paquebots géants prendront le relais. "Dans moins de dix ans, le nombre de passagers aura doublé, affirme Antonio Donsanti, PDG de MSC Croisières France. 253 paquebots de croisière sillonnent les océans, et 96 unités sont en construction, d'une capacité de 2 000 à 3 500 cabines chacune. Notre propre flotte est en train d'exploser : nous avions 8 700 lits en 2005, nous en aurons 21 200 en 2010."
L'inéluctable croissance du tourisme mondial ne semble affectée ni par les risques naturels, ni par les épidémies, ni par le terrorisme ou les conflits, sauf très ponctuellement dans les zones les plus touchées. Dans vingt ans, sans crise mondiale majeure, nous serons plus de 1,6 milliard à "globe-trotter", deux fois plus qu'en 2005. Les sociologues du Gottlieb Duttweiler Institute de Zurich ont dessiné, pour le voyagiste suisse Kuoni, un portrait décapant des touristes de demain, de leurs envies et de leurs valeurs. La "génération gold", les 50-80 ans, qui sera, dans vingt ans, majoritaire en Europe - génération fascinée par la quête de l'éternelle jeunesse -, disposera de moins de temps et d'argent. Contrainte de travailler plus longtemps pour maintenir son niveau de vie, elle aura à saisir les opportunités d'emploi. D'où la nécessaire flexibilité des vacances, d'un tourisme de masse bon marché, mais à la carte. Ces nouveaux seniors privilégieront un triangle d'or à trois entrées : maison, famille, loisirs. Ils attendront des vacances, des retrouvailles entre générations où tout sera prévu, des infrastructures pour travailler à distance jusqu'aux hôpitaux.
Révolu, le voyage initiatique qui se prépare, s'élabore de longs mois à l'avance ! "C'est le syndrome Star Treck, résume l'anthropologue Jean-Didier Urbain. On n'est plus dans la découverte de l'autre, mais dans la banalisation de l'ailleurs. Les mondes sont de plus en plus prévus, au sens de la prévoyance. L'exotisme se trouve dans de nouveaux créneaux, dans la manière de s'y rendre ou de se l'approprier. Une troisième voie s'ouvre, celle du tourisme "hors sol", un tourisme de la simulation où personne n'est dupe, mais ou chacun trouve son compte. On est hors du monde. Pas dans la rencontre du monde, mais dans une logique d'échappée belle."
Le repli sur soi, en tribu et en famille, aura détrôné l'engouement pour la découverte d'un autre ailleurs lancé il y a deux siècles avec l'orientalisme. Mais le succès annoncé de ces gigantesques complexes où l'artifice règne, au mépris de la protection de l'environnement, fait frémir Francesco Frangialli, secrétaire général de l'Organisation mondiale du tourisme : "Quand on m'interroge sur le développement durable, dit-il, je réponds : regardez Dubaï, et faites l'inverse !"
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